Il y a des rencontres qui se font
exactement au moment opportun pour une raison inconnue mais quelque
peu fantastique. Ce fut le cas en cette journée du 17 Avril 2014,
après une longue bataille dont l'issue par chaos m'obligea à
abandonner l'idée d'un magnifique chignon pour des cheveux éparses.
Quelle déception ! Je devais rencontrer l'homme qui parle des
femmes dans leur intimité physique et psychique et me voilà
sauvagement coiffée. Cet homme acteur et auteur m'impressionne par
son parcours atypique et historiquement fourni : il a fait son
premier film l'année de ma naissance !
Je suis seule à la table du restaurant
. Il arrive, sérieux, le visage fermé, le bonnet coloré sur la
tête. Quelle prestance, ce RUFUS ! Je suis heureuse, je souris,
me présente . Sa main se tend lentement vers moi, son visage
inexpressif reste fermé. Je me sens une proie.
Dix minutes après, nous discutons
assis prés l'un de l'autre. Il semble détendu, prend le poids de
chaque mot que je dis, m'obligeant ainsi à une rude vigilance. J'ai
la sensation de pouvoir le blesser facilement . Rufus est d'une
grande sensibilité, doté d'une perception accrue de ce qui
l'entoure. Il inspire le respect. L'émission est enregistrée et
voilà que Carole Lardoux ( responsable de la programmation des
spectacles du centre socio culturel de Cesson Sévigné) me propose
deux places pour le spectacle de Rufus ce soir. Je suis ravie.
Trois heures bien remplies avant cette sortie imprévue, dont 3 minutes pour un magnifique chignon qui tient et me voilà assise dans une salle, tout prêt de l'artiste.
Ma fille, à mes cotés, la salle entière et moi même rions aux larmes. Rufus est drôle sans discontinuité . Cela fait un bien fou.
Entracte. Deuxième partie du spectacle.
Trois heures bien remplies avant cette sortie imprévue, dont 3 minutes pour un magnifique chignon qui tient et me voilà assise dans une salle, tout prêt de l'artiste.
Ma fille, à mes cotés, la salle entière et moi même rions aux larmes. Rufus est drôle sans discontinuité . Cela fait un bien fou.
Entracte. Deuxième partie du spectacle.
Je ne sais pas trop ce qui m'attend, je
découvre le programme : Rufus doit parler avec le public du
texte d'un auteur dont le nom, bien qu'il ne me soit pas inconnu, ne
m'évoque rien, là tout de suite: l'Innomable de Beckett.
Commence alors un rêve extraordinaire.
Dans une salle noire, je suis assise
sur une chaise. A deux mètres de moi, assis plus bas, emmitouflé
dans un tissus, un homme, semble t-il. Au dessus de lui, un rond de
lumière jaune, qui semble loin, qui semble la seule issue.
La silhouette parle . Elle remarque
qu'elle est enfermée dans un espace étroit, prend sensation de ses
perceptions tactiles : mains, genoux, position. Pareil pour moi,
mêmes perceptions.
Le ton est inquiétant, je me sens à
l'étroit. Puis le personnage se dessine, un bébé dans le ventre de
sa maman. Il lève des yeux inquiets vers cette lueur jaune, cette
seule issue, se moque de maman.
Il est, pour moi, turbulent ce petit
voisin, jouant à se pendre avec son cordon. Ce doit être un garçon
pour avoir de tel jeux. Confirmation dans la minute, il joue avec sa
zigounette. Je partage donc mon petit monde avec un frère. Il
chahute, parle. Lors des examens médicaux, il me raconte que ceux de
dehors nous observent en mettant un miroir sous nos fesses. Si nous
pétons la buée fera un nuage prouvant que nous sommes vivants. Puis
nous jouons ensembles à qui ramera le plus vite. Bonne ambiance,
rigolade. Et si finalement, nous faisions partis de ceux qui n'ont
pas gagnés la course. Nous serions des spermatozoïdes tout secs sur
des draps. Il délire le frangin ! Il est tard, la pénombre
m'emporte vers une douce somnolence. Quand soudain, un remue ménage
inquiète mon frérot . S'il a peur, j'ai peur.
Une lumière rose, m'indique qu'un
examen plus approfondi se déroule. On nous observe, cette rosace
lumineuse n'augure rien de bon. Je me blottie. Il a peur, j'ai peur.
Cela se confirme, une légère fente lumineuse se profile derrière
lui : infraction de notre univers, fuite de liquide. Il
s'accroche, moi aussi. Puis la fente l'engloutit, me laissant seule,
inquiète.
C'est mon tour, une lumière éblouie.
C'est douloureux, puissant ; Des voix feutrées dont je ne
comprend pas les mots : texte, Beckett, rythme, mort,
comparaison...
Où es tu grand frère ? Mais tu
as l'air si sérieux. Qui sont ces gens ? …
Tu vas bien ? Ho ! Maman, tu m'entends..Ma fille me tire de ma torpeur. Je suis là prés de Rufus, sur la scène. Il semble contrarié : personne n'a saisi le sens profond de son spectacle. Et moi, toute groguie de ce voyage, je réalise à quel point l'impact du texte m'a emportée. Je le regarde, il faut que je dise quelque chose pour rassurer mon grand frère..non, Rufus. Je laisse sortir quelques mots : « si, pour ma part je me suis bien sentie comme dans un utérus. »
Quelle culture !
Tout le monde parle en termes très littérato-intello-critico corrects et moi je sort cette banalité !
Tu vas bien ? Ho ! Maman, tu m'entends..Ma fille me tire de ma torpeur. Je suis là prés de Rufus, sur la scène. Il semble contrarié : personne n'a saisi le sens profond de son spectacle. Et moi, toute groguie de ce voyage, je réalise à quel point l'impact du texte m'a emportée. Je le regarde, il faut que je dise quelque chose pour rassurer mon grand frère..non, Rufus. Je laisse sortir quelques mots : « si, pour ma part je me suis bien sentie comme dans un utérus. »
Quelle culture !
Tout le monde parle en termes très littérato-intello-critico corrects et moi je sort cette banalité !
Je reviens de ce long voyage avec toi,
Rufus, incapable de partager quoi que ce soit, trop de sentiments me
submergent :
La stupéfaction face à un tel
talent : Emmener ainsi aux contrées les plus intimes de la
féminité, à la source de la vie, avec un jeu et une mise en scène
parfaits.
Atteindre une dimension imaginaire,
ouvrir les portes d'un monde virtuel, inconnu de tous et pourtant
vécu par tous.
Oser tenter une telle aventure et la
réussir.
Je ne connaissais ni le texte, ni
l'auteur. Seuls les mots, le jeu, les tonalités, le talent y sont
parvenus.
Quelle sensibilité !
Et, je reste là étourdie d'avoir
partager un instant, encore, un bout de vie avec ce grand frère trop
tôt disparu. Merci à toi Rufus . Dans mes rêves les plus fous, je
n'espérais même pas un jour jouer à nouveau avec mon frérot,
parti pour des cieux je l'espère meilleurs. Ce rêve tu me l'as
offert : merci ! Merci !
"eh tu crois que la mère, dehors, existe ? Et d'ailleurs cette mère si grande, si vaste existe t'elle et ce dehors, c'est un mythe, non ?"
RépondreSupprimer"Je sens que c'est vrai !" répond l'autre jumeau.
merci. Mais encore...?
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