huiles essentielles

Catherine phyto-Aromatologie un Art de Vivre

Phyto-aromatologie un art de vivre © 2013

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jeudi 10 février 2011

LA THÉORIE DES SIGNATURES

POur illustrer la série de textes: quelle huile pour quel besoin, voici un texte de Marc Lachèvre. " Les herbes parlent au curieux (= attentif) médecin par leur signature, lui descouvrant par quelque ressemblance leurs vertus intérieures, cachées sous le voile du silence de la Nature. " Oswald Crollius, la Royale Chimie, 1624. LA THÉORIE DES SIGNATURES La médecine d'autrefois reposait largement sur l'observation. Telle plante de telle forme devait nécessairement soigner un organe de forme identique. Qu'en dit la science moderne ? Quelles sont les limites de cette théorie ? Nous avons fait, un jour, cette observation : ouvrir une noix dure comme un crâne et découvrir les deux cerneaux recouverts de leur fine enveloppe, qui nous ont irrésistiblement rappelé les deux hémisphères cérébraux protégés par la dure-mère. Puis nous avons voulu renouveler cette expérience, à la manière d'un jeu, et sommes partis à la rencontre du monde végétal. Découvrant la ficaire, petite renonculacée aux pétales dorés, qui pousse au printemps dans les lieux humides, nous l'avons délicatement déracinée et sommes restés perplexes devant ses racines si caractéristiques, en forme de renflements allongés, d'excroissances étranges qui ont su réveiller notre imagination pour y voir une représentation d'hémorroïdes (comme nous sommes un peu savants, nous connaissions son appellation populaire d'herbe-aux-hémorroïdes). A quelques pas de là, près d'un mur, pousse la chélidoine, aux fleurs jaunes semblables à de petits soleils, d'où son autre nom de " grande éclaire ". Lorsque l'on cueille une feuille, ou qu'on brise un bout de tige, un latex jaune-orange vif s'écoule, qui brunit au contact de l'air. Les Anciens voyaient là une ressemblance avec un autre suc : la bile, et nous leur sommes reconnaissants de nous permettre d'associer ces deux images. Plus loin, un talus est recouvert d'anémones hépatiques, aux fleurs bleutées ou violettes, très lumineuses. Quel rapport y a-t-il entre cette plante et le foie (en grec hêpar, hêpatos) ? Nous approchant, nous remarquons que les feuilles ont une forme particulière, composée de trois lobes, comparable à un dessin simplifié de notre foie. Plantes qui rappellent les cheveux par leurs tiges ou leurs racines filiformes et qui sont donc capables de les faire pousser. De gauche à droite : capillaire de Montpellier, polytric (perce-mousse), férule (ombellifère), lichen du chêne. On aimerait y croire… Ce jeu de mise en correspondance de formes rencontrées dans le règne végétal, mais aussi dans les autres règnes de la nature, avec des parties ou des fonctions de notre corps, s'avère plaisant pour l'esprit. Les méthodes d'analyse modernes révèlent que la noix est un des fruits les plus riches en hydroxy-5-tryptamine, la sérotonine, neurotransmetteur indispensable au fonctionnement du système nerveux central ainsi qu'à de nombreuses fonctions cérébrales (elle intervient dans le cycle veille-sommeil, la thermorégulation et est impliquée dans les états dépressifs, l'anxiété…), et qu'elle contient du phosphore et du magnésium, qui favorisent une bonne activité du cerveau. La ficaire renferme parmi ses principes actifs une saponine aux effets décongestionnants et analgésiques, ce qui en fait un remède parfaitement adapté pour résorber les hémorroïdes. La chélidoine, par l'ensemble de ses constituants, augmente significativement la cholérèse (sécrétion biliaire) et est recommandée en cas d'insuffisance ou de lithiase hépatiques. Quant à l'anémone hépatique, après avoir été réfutée par les analyses dans son ancienne attribution dans les pathologies du foie, elle se trouve aujourd'hui réhabilitée dans son rôle hépatique par la découverte récente d'un principe actif spécifique. Les " pères herboristes " Ainsi, il suffirait d'observer attentivement une plante pour obtenir l'indication de ce qu'elle soigne ! Et nous voilà tentés d'emboîter le pas de ces auteurs du XVIe et du XVIIe siècles, médecins, botanistes, alchimistes, qui nous ont légué dans leurs écrits un système de pensée médicale basé sur un principe d'analogie où le végétal indique à l'homme la maladie ou la partie du corps qu'il peut soigner. Il est parvenu jusqu'à nous sous le nom de " théorie des signatures ". A la suite de ces " pères herboristes " (Otto Brunfels (1489-1534), Paracelse (1493-1541), Leonhart Fuchs (1501-1566), Giambattista della Porta (1535-1615), Nicholas Culpeper (1616-1654), etc.), nous rencontrerons la pulmonaire aux feuilles parsemées de taches blanches comme le tissu pulmonaire qui doit être souveraine contre les maladies des poumons, la sanguinaire du Canada au latex rouge vif qui sera utilisée pour traiter les affections du sang, la corydalle bulbeuse dont la racine présente une certaine analogie avec la rate et sera donc considérée comme la spécifique de cet organe, puis la dentaire dont les racines ressemblent aux dents et sera, de ce fait, destinée à calmer les maux de dents. Nous pourrions énumérer une longue de liste de plantes avec leurs correspondances médicales, comme l'ont fait certains de ces savants de la Renaissance (en particulier Giambattista della Porta) saisis d'un véritable " zèle analogique ", attribuant ainsi des pouvoirs imaginaires à un grand nombre de plantes. Fleurs composées non identifiées, bleuets et camomille qui ressemblent à des yeux et seront donc utiles dans les affections oculaires. Le principe des ressemblances Le déroulement de pensée analogique est étranger à notre pensée moderne. En quoi est-on autorisé à associer des formes imprimées dans des organismes différents et biologiquement éloignés, même si elles ont une certaine ressemblance (souvent, il faut faire un vrai effort d'imagination). N'est-on pas plutôt devant une manifestation du hasard ? De plus, que nous disent les analyses de la science moderne ? On est souvent en droit de réfuter les vertus attribuées par la méthode analogique à un grand nombre de plantes (d'où dénigrement de la théorie). Parfois, force est de constater que certaines plantes ont été utilisées avec beaucoup de justesse. N'est-on pas, une fois de plus, devant une preuve de l'action du hasard ? Pourtant, cette théorie des signatures, qui repose sur le principe similia similibus curantur (les semblables soignent les semblables), est à la base de la médecine dans toutes les cultures, passées et actuelles, et remonte aux origines de l'humanité. Elle a un caractère d'universalité et l'on pressent qu'elle joua un rôle important dans l'acquisition des connaissances sur les vertus des plantes, mais elle se prête mal à la compréhension par notre pensée moderne. On la signale toujours encore dans les ouvrages traitant de l'histoire de la médecine, preuve qu'on lui reconnaît une importance indéniable (elle a imprégné la démarche médicale pendant tant de siècles !), mais, la plupart du temps, les auteurs aboutissent à un dénigrement de cette " loi des signatures ", un désintérêt quand ce n'est pas une condamnation de la démarche analogique. L'origine de cette théorie Peut-on la négliger, ou la repousser d'un revers de la main, car non conforme à notre pensée ? En arrière-plan de la théorie des signatures se profile une question essentielle : comment l'homme a-t-il découvert les vertus thérapeutiques des plantes ? Trois hypothèses peuvent être proposées, qui ne s'excluent d'ailleurs pas entre elles. La méthode empirique : au fil du temps et des générations, l'homme, en consommant les plantes de son environnement, a appris à en connaître les bienfaits ou la toxicité. Mais il est bien rare de goûter une plante par hasard et de constater immédiatement une guérison. L'observation des animaux et de leur comportement a été certainement d'un grand secours. Les animaux, d'instinct, sont poussés vers les plantes qui vont guérir leurs blessures ou leurs maux, et même prévenir des maladies. Mais certaines plantes anodines ou bienfaisantes pour certains animaux se révèlent toxiques pour l'homme ! La révélation divine : " Le Très-Haut a fait sortir de terre tout ce qui guérit, et l'homme sage ne dédaignera pas ce secours ", dit l'Ecclésiaste. Chez les Grecs, le centaure Chiron enseigne au dieu Esculape la connaissance des plantes afin qu'il la transmette aux humains. La place du religieux C'est dans un système de pensée éminemment religieux (au sens de relié), spirituel, qui imprégnait la totalité des actions, des sentiments et des pensées de nos ancêtres, qu'il convient d'envisager notre théorie des signatures pour espérer en percer les mystères. Des connaissances nous sont occultées par la conception mécaniste et matérialiste que nous nous faisons de l'homme et de son rôle dans l'univers. Mais il est aujourd'hui bien polémique d'aborder cette question, au sein du combat mortel que se livrent évolutionnistes et créationnistes. Ainsi, les Anciens ne croyaient pas en une Création née du hasard, mais vivaient dans une nature chargée de sens, dans laquelle s'exprimaient " les intentions secrètes de volontés créatrices " (1). Tout homme se ressentait intégré dans une Création vécue comme une architecture parfaite tissée des liens entre macrocosme et microcosme, entre l'homme et le cosmos ou entre la plante et l'homme. Les grands prêtres dans les temples, les druides, les chamans et hommes-médecine sont les dépositaires de cette pensée magique, symbolique, analogique, qui leur permet d'être reliés au monde spirituel, à ce monde des forces et des processus vivants. Car tout ce qui existe dans la nature procède d'une origine spirituelle, est un processus matérialisé. Ces processus se manifestent sur le plan physique dans les formes, les couleurs, les textures, les saveurs, les gestes des animaux, des végétaux, etc. Racines et fruits pour les soins du cœur. De la sagesse au matérialisme L'évolution du monde a voulu que, peu à peu, la grande sagesse de la nature s'estompe jusqu'à devenir inaccessible aux sciences de la nature modernes. Durant la Renaissance, de nombreux auteurs, philosophes, médecins, théologiens, ont placé la nature et l'homme au cœur de leur préoccupation. On trouve, sous leur plume, deux petites expressions qu'il nous faut bien comprendre : natura naturata (la nature manifestée) et natura naturans (la nature dans son acte de création). Ces hommes savants avaient encore accès, à cette époque-là, à une compréhension du monde où ils savaient différencier la chose matérialisée du processus vivant qui l'a engendrée. C'est aussi à ce moment charnière que germe la pensée moderne et un besoin de classifier la nature, d'analyser et de concevoir des systèmes intellectuels. Et l'on ne s'est plus intéressé qu'à natura naturata, la nature matérialisée. Certains savants se sont emparés de cette notion de signatures qui baignait encore les sciences de l'époque et l'ont systématisée dans des tableaux de rapprochements de formes qui confinent au charlatanisme. En appliquant la théorie des signatures uniquement à la nature manifestée, nous avons perdu l'intelligence de la nature. Car, natura naturans, un même processus peut s'incarner dans des règnes différents et donner des formes identiques mais, aussi bien, des formes totalement différentes. On comprend alors qu'une relation puisse exister entre des organismes ou des organes différents, non pas parce qu'ils se ressemblent physiquement mais parce qu'ils sont issus chacun d'un même processus. De même, deux processus différents peuvent s'incarner en des formes identiques dans des organismes différents ; il n'est alors pas juste de les mettre en relation. Alors une pensée analogique devient légitime. Et la médecine redevient un Art… Une question se pose maintenant : comment accède-t-on aux forces de vie, à natura naturans ? La théorie des signatures perdure à travers les âges et s'impose à nouveau à nos sciences naturelles qui, après avoir magistralement exploré le domaine de la matière, se heurtent aujourd'hui aux limites de la connaissance. Marc Lachèvre. Botaniste et producteur de plantes médicinales et d'élixirs floraux du Dr Bach. Organise des stages et séminaires. STAGES ET SEMINAIRES Botanique et Phytothérapie 04 68 39 43 20 mél : assoc.botanica@wanadoo.fr LIRE · L'héritage oublié des signes de la nature, de Danielle Ball-Simon et Piotr Daszkiewicz, éd. Les Deux Océans, 1999. Illustrations de Giambattista della Porta in Phytognomonica, 1588. 1. Pierre Lieutaghi, in " Les simples entre nature et société ", EPI, 1983.

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